dimanche 14 mars 2010

49 SWIMMING POOLS

Juicebox n’est pas mort, mais vive Juicebox quand même. Le mois de septembre était chargé, mais on a réussi à vous pressé un jus si savoureux que je vous laisse imaginer la carte du mois d’octobre.
Ca commence par un chiffre et sa fini par une lettre, non ce n’est pas le code de ma porte d’entrée : c’est
49 SWIMMING POOLS qui nous livre leur plus belle penser, merci à Emmanuel Tellier, qui est, à nos yeux, un artiste journalitico-musicien…
  
Vous vous êtes tourné vers la musique assez tôt, solfège à 5 ans, cours de piano à 7 ans … C’était une « destinée » naturel ?
Je pense que chaun naît avec « quelque chose », un petit atout personnel qu’il faut savoir 1. découvrir, 2. cultiver. Dans mon cas, il est évident que j’avais des aptitudes pour la musique, et c’est sans doute dans les gênes car je constate que mon fils, Elliot, qui a 9 ans, a aussi un super sens du rythme, qu’il a démontré très jeune, en tapotant partout depuis ses 3 ans, et une bonne mémoire des mélodies aussi. Moi, tout petit, je chantonnais tout le temps, je tapais sur des coins de table : même en m’endormant, sur les draps, sur l’oreiller, je tapais des petits rythmes. Ma mère me disait que même endormi, parfois, je tapotais encore quelques secondes.
Bon, ceci dit, c’était vraiment le seul « cadeau » avec lequel j’ai démarré. Ça, et le fait d’écrire pas trop mal et d’avoir un bon orthographe. Sinon, c’est la cata : nul en math, nul en dessin, très peu de sens logique, totalement inapte au bricolage et à la cuisine.
 
C’était quoi vos influences majeures à l’époque ? Il y a-t-il une chanson qui caractérise cette période de « découverte musicale » ?

Mes premières émotions étaient liées à la musique classique, Mozart, Schubert... Vers 8 ou 9 ans, on m’a fait découvrir les Beatles et les Stones. Mes premiers groupes vraiment « à moi » ont été les trucs de « new wave de l’époque », au tout début des années 80, Siouxsie, Cure, Ultravox, Depeche Mode, Joy Division un peu avant, puis New Order. Mais la première fois où j’ai ressenti qu’un groupe était vraiment parfait, que tout me plaisait, de la voix aux pochettes aux textes à l’attitude générale, et qu’il était vraiment fait pour moi (et moi pour lui ?), c’était avec les Smiths, donc en 1984. Voilà ce qui m’a donné envie de jouer dans des groupes. J’avais donc 17 ans.
 
49 Swimming Pools, est-ce la suite logique de vos six projets musicaux ?
Oui. D’une certaine façon, le lien le plus direct est entre les 3 albums de Chelsea et celui-là, qui en est un peu une continuation plus mature, plus sereine. Entre temps, il y a un Melville parce qu’on voulait tenter un disque plus rock, et LaGuardia, que j’ai fait un peu en marge pour expérimenter des mélanges guitares-claviers.

C’est naturellement que vous vous êtes tourné vers du « folk pop doux et envoûtant » ?
En fait, je n’ai rien fait consciemment. Il n’y a pas eu de virage ou de décision. Je suis juste arrivé à un stade de mon petit parcours musical où j’ai eu envie d’entrer en studio sans aucune préconception, sans plan, juste avec des idées de piano, des lignes de chant, des textes (au départ, ça ne devait même pas être un disque, mais juste une sorte d’exercice personnelle). S’il y a une influence, c’est celle liée à l’écoute très fréquente, chez moi, de Neil Young ou Leonard Cohen (mais davantage encore Neil Young). Leur musique est naturelle, spontanée. Elle n’est jamais bavarde, elle n’essaye jamais d’épater. Elle se contente d’être « ce qu’elle est » (ce qui est déjà pas mal !). Peut-être qu’ayant toujt juste passé la quarantaine, et après un long break depuis mon disque précédent (LaGuardia), je me suis détendu, relâché, et je me suis aussi senti doté de mélodies assez solides pour essayer ça : cette très grande fidélité à la musique elle-même. Avec Fabien (dans son studio, près de Tours), on a juste enregistré, en fait. On n’a pas vraiment « produit », au sens classique du terme. On a juste voulu enregistrer du mieux possible, le plus fidèlement possible, avec de beaux instruments, des très bons micros à lampe. Et à notre rythme, juste tous les deux, sans aucune pression.
 
Vous êtes un journaliste spécialiste de musique et un musicien. On voit mal votre vie sans musique ! Il y a-t-il, pour vous, une chanson qui pourrait faire aimer la musique à des gens qui disent ne pas l’aimer ?
«Always on my mind », l’originale, chantée par Elvis Presley (reprise ensuite par les Pet Shop Boys). Pour moi, c’est la chanson absolue, autant pour la mélodie que pour le texte, qui est le plus beau chant d’amour qui soit. Rien, mieux qu’une chanson, peut dire (ou pleurer) l’amour.
 
49 Swimming Pools, c’est pourquoi ? 49 poules mouillées ? C'est quoi la chanson de votre album à ne pas louper ?
Le nom du groupe est détournée dun nom d’une série de photos (des piscines, donc, dans la série 47 Swimming Pools, transformé en 49...) d’un photographe nommé Ed Ruscha. Un vieux monsieur maintenant, mais toujours vivant, qui a beaucoup oeuvré dans les photos d’architecture et d’urbanisme, surtout en Californie. J’adore les séries de photos, et les séries en générale, le fait de lister les choses qui se ressemblent... La répétition, je trouve ça très beau. Quand Morrissey répète plusieurs fois des mots, comme pour enfoncer le clou, ça m’émeut beaucoup.
La chanson à ne pas râter ? Je dirais la première, All the flowers in your field, pour sa mélodie lancinante, et l’arrivé sur le «LA » (all the people cry...).

Pouvez-vous nous parler de votre label ELAP ?
Si si ! En fait, c’est le label d’Etienne et Fabien. Moi, je n’y suis pour rien. Mais j’ai voulu faire le disque sur leur label, parce que c’est mes amais, ma famille. J’ai connu pas mal de maisons de disques depuis 19921, et vu l’esprit tranquille dans lequel on fait ce disque (et les concerts maintenant), c’était très important pour moi que ça reste familial, super simple, détendu. Et qu’on soit d’accord sur tout.

C’est quoi le comble du journaliste interviewé ? Vous avez des anecdotes de vos rencontres avec des personnalités mythiques ?
Il n’y pas de comble, je crois... En fait, je trouve ça cool d’être interrogé, j’ai toujours bien aimé ça... Des anecdotes, il y en aurait trop, j’ai fait vraiment beaucoup beaucoup d’interviews... Disons des grands souvenirs : Morrissey, PJ Harvey, Cobain, Johnny Cash, David Bowie, Björk...
 
On se débrouille bien niveau questions ?

Impec. Mais celle-là, moi, je ne l’ai jamais posée à personne ! ;-)
 
Comment appréhendez-vous la scène ?
Comme un moment où la musique doit vraiment être reine ! Pas d’esbrouffe, pas de grands effets, nous sommes trois musiciens extrêmement concentrés sur leur instrument, sur les tempos, sur l’interprétation. Les gens qui nous ont vu ont tous été assez bluffés par le niveau de concentration et d’intensité qu’on arrive à trouver. Le public rentre vraiment dedans, il n’y a pas un bruit quand on joue, c’est vraiment une chouette expérience.

A votre avis, aujourd’hui, les concerts sont plus importants que les albums ? 
A égalité, je mettrais les albums, les concerts, et aussi Internet, qui n’est ni l’un ni l’autre, mais un mélange : le public peut se faire un avis en 3 ou 4 chansons seulement, avec un bout de « live aussi ou une vidéo. Ça apporte un nouveau rapport aux groupes, et c’est extrêmement bénéfique. Il n’y avait pas le web quand nous avons fait les disques de Chelsea, et je trouve que c’est beaucoup plus chouette aujourd’hui. On peut échanger avec tout un tas de gens en direct, c’est canon. Moi-même, je suis en contact avec plein de musiciens étrangers que j’ai connu il y a longtemps, c’est vraiment appréciable.
 
Vous pensez que la relation artiste-public change, évolue ? Les gens ont de plus en plus besoin de voir et non plus d’écouter ?
Oui, c’est un peu ce que je répondais juste au dessus. Le rapport est plus direct. Le public ne peut plus, comme dans les années 80, se faire seulement une vague idée de ce qu’est un groupe, de son image, sa musique. Le rapport est plus complet aujourd’hui, il y a le son, l’image, les mots, les interviews, les blogs. J’aime bien cette épaisseur nouvelle. C’est cool d’être fan de bonne musique aujourd’hui.
 
Allez-vous à des concerts ?
Environ 2 ou 3 fois par mois, je pense.
 
Avez-vous déjà assisté un concert décevant ? C’était qui ?
En fait, je suis rarement déçu, ou alors surpris, étonné, je trouve en tout cas toujours quelque chose qui me nourrit, m’intéresse. Un concert vraiment décevant, c’est quand même rare, non ? Mais j’ai vu des soirs où Oasis jouait trop vite, par exemple.
 
Toujours en tant que public : C’est quoi pour vous, un bon concert ? Est-ce que vos critères évoluent ?
J’aime sentir que la musique dépasse ses auteurs, qu’elle les emporte plus haut qu’ils n’auraient pensé aller, qu’elle les sublime, en somme. J’ai vu ça quelque fois avec James, avec Blur aussi à leurs tout débuts. Et puis une fois avec Courtney Love, un concert de Hole au Zénith absolument flamboyant, alors que je n’en attendais vraiment pas tant !
 
Si vous aviez un super pouvoir, ce serait quoi ?
Reculer de 20 ans, et recommencer à enregistrer à partir de zéro, mais avec toutes les connaissances acquises depuis. En clair, le 49 Swimming Pools serait mon premier album... Sinon, bien sûr, être invisible.
 
Qu’est ce que vous pensez de la musique rock actuelle ? C’est du déjà vu ?
Je trouvais qu’on s’ennuyaut un peu il y a 5 ou 6 ans. Actuellement, je trouve qu’il y a plein de trucs chouettes, qui partent dans tous les sens. L’effet Internet (notamment aux Etats-Unis avec Pitchfork) est vraiment notable. Des groupes comme les Dodos émergent très vite, il y a au moins 3 ou 4 nouveaux groupes de cette trempe chaque année. C’est très riche. Et la « nouveauté absolue », moi, ça ne m’intéresse pas trop. Je cherche d’abord des belles mélodies, une belle voix, et des gens qui savent rester simple, jouer simple, ou simplement.
 
Y a-t-il des révélations musicales à ne pas louper cet automne ?
Ce n’est pas de cet automne, mais les Dodos, donc. J’aime beaucoup le nouveau EP de Grisbi (même si c’est des copains, je le dis !), celui de Ladybird LaLa Band aussi. J’aime bien le nouveau Why ?. Et chez les plus vieux, j’ai écouté et adoré le nouveau Nits.
 
Juicebox, vous en pensez quoi ?
Beau graphisme, bonnes idées. Continuez !
 
Des questions ?
Vous avez quel âge ? Les Smiths, vous avez connu quand ?

 

Et voici venu : LA MINUTE JUICEBOX, le principe : répondre aux questions par un titre de chansons.
Une chanson à écouter sous la pluie
Mushaboom, de Feist
 
Une chanson pour danser
Under the spell, de Apple Mosaic
 
Une chanson pour un road trip
You get what you give, de New Radicals
 
Une chanson que vous avez honte d’aimer
Under pressure, de Queen et David Bowie
 
Une chanson mélancolique
The greatest, de Catpower
 
Une chanson qui vous motive
Roscoe, de Midlake


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Turzi




turzi1TURZI, c’est cinq lettres dont deux voyelles. C’est quatre mecs dont Romain Turzi.
C’est un premier album intitulé « A » avec des titres de chansons comme «Alpes, Acid Taste, Amadeus, … ». Et un deuxième, sorti le 8 octobre 2009 et s’intitulant « B ». La chanson d’ouverture « Beijing », et la dernière « Bamako ».
Oui, TURZI décline les lettres de l’alphabet sur ses disques. Oui, TURZI a trouvé le bon filon pour qu’on le retrouve facilement dans notre bibliothèque musicale.
En attendant un album intitulé « Z » ( ?), on écoute, réécoute, découvre et redécouvre la pyschédélie et le bonheur sonore que nous apporte TURZI.

LA MINUTE JUICEBOXLe principe : répondre aux questions par un titre de chansons
Une chanson à écouter sous la pluie
Une chanson pour danser
Neu! : Taenzing
Une chanson pour un road trip
Kraftwerk : Tour de France 00’s Version
Une chanson que vous avez honte d’aimer
Françis Cabrel : J’ai peur de l’avion
Une chanson mélancolique
Harold Faltermeyer : Memories (top gun ost)
Une chanson qui vous motive
Peter baumann : Chasing the dream.

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Coming Soon

photo-howard-hughesParce qu’ils viennent de sortir leur deuxième album, parce qu’il l’on appelé “Ghost Train Tragedy”, parce qu’ils sont presque overbooké, parce qu’ils portent un nom qu’on voit dans les bande annonce US, parce qu’ils aiment la musique et nous le montre bien.
Juicebox a choisi pour vous COMING SOON. Et c’est Howard Hughes, chanteur charismatique du groupe, qui nous fait part de ces quelques chansons, fraîchement choisies.


 
LA MINUTE JUICEBOX
Le principe : répondre aux questions par un titre de chansons.

Une chanson à écouter sous la pluie
“Funeral Girl” de Daniel Johnston 

Une chanson pour danser
“You Know I’m Good” d’Amy Winehouse 

Une chanson pout un road trip
“Too Many Birds” de Bill Callahan 

Une chanson que tu as honte d’aimer
“Elle a les yeux revolver” de Marc Lavoine 

Une chanson mélancolique
“Blue Velvet” de Bobby Vinton OU “I don’t know what to do” de Pete Yorn & Scarlett Johansson 

Une chanson qui te motive
“Corner of my room” de Turner Cody (sur la BO du Prophète de Jacques Audiard) 

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Frànçois & The Atlas Mountains

francoisAprès quelques semaines de « no juice land »… Juicebox revient, pile sept jours après le début de l’automne.Sept jours pour ramasser les feuilles qui s’empilaient dans le jardin. Les trier, parce que les champignons s’installent vite sur ses choses là. Puis les sécher, les bouillir pour les rendre encore plus pures. Et, enfin, en faire des jus et vous les faire partager.
Juicebox qui fait de la poésie, c’est pas tip top … Mais quand c’est Frànçois, c’est autre chose. Le nouvel album « Plaine Inondable » de Frànçois & The Atlas Mountais est beau, joli, joyeux, soyeux, il respire… Ce Français exilé à Bristol nous fait partager un peu de lui et de sa nature à travers ses mots et quelques chansons choisies.

Tout d’abord, pourquoi être parti vivre à Bristol ?
Par amour d’une anglaise venue en vacances d’été en Charente -Maritime. Puis quand l’histoire s’est finie j’y suis resté parce que j’aimais voir en gris.


La musique, la peinture, l’art en général … comment cela est né en vous ?
La nature me l’a appris. Lorsqu’enfant je rentrais dans l’appartement après une journée passée dans la nature j’entendais le vent me dire de continuer á respirer la nature et la vie extérieur en dessinant. La pratique s’est élargie á la musique lorsque ma mère s’est remariée á un notable de province qui possédait un piano dans sa maison de campagne..


Existe-t-il une chanson, pour toi, qui pourrait faire aimer la musique à des gens qui disent ne pas l’aimer?span>
C’est étrange, effectivement j’ai déjà entendu des gens dire qu’ils n’aimaient pas la musique. Kafka par exemple fait cette remarque dans son Journal.
Mon frère est passé par une période de refus de musique et la seule chose qu’il pouvait écouter c’était les pièces de piano de Messiaen qui ‘reproduisent’ le chant des oiseaux… On en revient donc au bruit de la nature.


 LA MINUTE JUICEBOX

Une chanson à écouter sous la pluie
‘Can you hear he rain love?’ de Richard Hawley 

Une chanson pour danser
‘Get starting something’ de Michael Jackson

Une chanson pour un road trip de nuit
‘Wicked Game’ de Chris Isaak

Une chanson que vous avez honte d’aimer
‘Ocean’ de Jean-Louis Aubert

Une chanson mélancolique
‘3 Gnossiennes’ de Erik Saties

Une chanson qui vous motive
‘Peacefuly Swan’ de Unkle Jelly Fish

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Site
Myspace
Youtube

Vincent Moon

Vincent Moon aime la musique, il nous le prouve à travers chaque concert à emporter, chaque “petites choses” qu’il a filmé. C’est donc naturellement que Juicebox l’ai choisi pour son premier JUS! Mais dépêchons nous de publier cette interview car le mois prochain ses goûts musicaux auront peut-être changés.

On connait Vincent Moon, mais toi, qui es-tu? Est ce exprès que tu caches ton identité? Tu veux qu’on ne connaisse que ton travail?
C’est juste très complexe, je n’ai pas envie que ça masque le travail, les journalistes raffolent de ça. D’ailleurs, ils ont épilogué sur ma “non-identité” et ça m’a saoulé. C’est un bouclier, une façon de dire que chacun est multiple, chacun peut se recréer.

Donc, si je résume, le fait d’avoir une personnalité un peu cachée ça attire les journalistes et cela te déplais?
Oui. C’est un peu les travers d’une certaine spectacularisation marchande où finalement ceux qui ne veulent pas jouer le jeu de la spectacularisation sont en fait mis en avant. C’est complètement pervers et pas très intéressant. Je n’ai donc plus trop envie de me cacher derrière tout ça même si je continue à utiliser ce nom là (ndlr: Vincent Moon) car c’est tout de même plus cohérent.

Et par rapport à ça, est-ce qu’il y a une chanson qui te correspond, qui peut te définir?
(Rires) Non. Surement pas.

Tu es multiple c’est pour ça!
En fait, j’ai des gouts extrêmement changeants, tous les jours ils changent.

Et en ce moment c’est quoi?
Ce matin, j’ai découvert un groupe que j’adore. C’est un groupe tchèque qui s’appelle
Dva. La semaine dernière j’étais en République Tchèque et j’ai rencontré la sœur de la chanteuse de ce groupe. Je le trouve magnifique, c’est une sorte de folk sans frontières, tu sais, tu l’écoutes et tu te dis : “Mais, elle chante en quoi? Ça vient d’où?”. Ca me fait penser à une musique que j’aime beaucoup, vers laquelle je reviens assez souvent. Une musique sans frontières, qui joue à saute mouton.
aksakSinon, un album qui m’a beaucoup marqué c’est le premier d’Aksak Maboul (ndrl: Onze Danses Pour Combattre la Migraine). C’est le premier projet de Marc Hollander, qui a crée le label Crammed Discs, dans les années 70. Leur musique n’avait rien à voir avec ce qui se faisait à l’époque et c’est un album magique. Comme une sorte de petite boîte avec pleins d’éléments, pleins de cultures différentes.Mais il n’y a jamais un truc sur lequel je reviens, ça bouge tout le temps. Il y a énormément de musiques aujourd’hui. Il faut rester un peu tête chercheuse… Je trouve, qu’en généra,l les gens ne sont pas très curieux. D’ailleurs, c’est pour ça que je suis parti sur la route, pour essayer de découvrir des gens différents. J’ai eu cette chance de pouvoir me balader.
C’est au Japon que j’ai fait ma plus belle rencontre musicale. Un soir, une fille faisait une première partie et c’était incroyable! J’ai rarement entendu une voix comme ça … je m’en souviens. J’étais en backstage et j’ai pensé : “Mais qu’est-ce que c’est que ça? Qu’est-ce que j’entends?”. C’était cette fille japonaise,
Nikaido Kazumi qui chantait, c’était extraordinaire! J’ai complètement fondu en larmes. A la fin du concert je lui ai demandé si elle était d’accord pour qu’on fasse une petite vidéo plus tard dans la nuit. Et on a fait cette petite vidéo, que j’aime beaucoup, c’est très simple mais très beau.




Donc, ta culture musicale tu la construis surtout grâce aux festivals, tu ne vas pas trop sur les sites, tu ne lis pas trop de journaux?
Non, enfin, juste un petit peu. Pour moi je n’ai pas du tout une culture de musique enregistrée. Ca ne m’intéresse pas. Le processus de l’enregistrement m’intéresse assez peu, en musique ou dans d’autres formes artistiques. Ce qui m’intéresse c’est l’art vivant et le rapport au corps.
Quand j’écoute des albums, la plupart du temps c’est pour avoir des indices, pour savoir si je vais aller voir ce groupe la en live ou pas. C’est une chance d’avoir cette opportunité dans des villes comme Paris ou New York où il y a autant de choses qui se passent. J’ai vraiment cette chance là de pouvoir assister à autant de choses!
Clairement, mon rapport à la musique il passe par le live. Si j’ai jamais vraiment fait de clip vidéo dans le sens classique du terme c’est parce que, ce qui m’intéresse c’est de rencontrer des musiciens et de leur faire jouer de la musique devant moi.

Pourquoi les clips vidéo ne t’intéressent pas?
Les clips musicaux c’est un format très batard, très étrange et qui a été imposé par l’industrie musicale. Je trouve que ce n’est pas du tout intéressant la façon dont cela aborde la musique.

C’est compliqué de filmer la musique?
Je ne pense pas que ce soit compliqué, mais j’ai rarement vu des choses vraiment brillantes dans la façon de filmer la musique. Il ne s’agit pas seulement filmer la musique, mais comment la musique se joue face à une caméra. Montrer comment ces deux formes artistique dialoguent et créent quelque chose entre elles, quelque chose qui soit sur le même pied d’égalité. Et c’est pour ça que les clips vidéos ne m’ont jamais intéressés, il n’y avait pas d’égalité. Tu as une musique qui est déjà enregistrée, ensuite quelqu’un vient et met des images dessus. C’est complètement hiérarchisé comme relation, c’est inintéressant.
Il y a un film, qui est un peu ma bible, auquel je reviens tout le temps, le film indépassable, j’aimerais le refaire mais je n’y arriverais jamais (rires). Il s’appelle «Step across the border». Ce film m’a fait découvrir énormément de musique. Pour moi il est le meilleur film qui n’a jamais été fait sur la musique et même quasiment mon film préféré, tous genres confondus. frithC’est un film-documentaire assez expérimental sur le guitariste improvisateur anglais: Fred Frith, à la fin des années 80. Il se balade de part le monde et collabore musicalement avec pleins de gens. Faut le voir pour le croire, ce n’est pas du tout un truc que l’on peut expliquer par des mots.
C’est dans ce film que j’ai découvert une musicienne que j’aime énormément qui s’appelle Iva Bittová.
Le plus important c’est toujours de rester curieux et de se faire sa propre façon de découvrir les choses, chacun trouve sa propre méthode. Moi j’ai la mienne, je suis très chanceux pour ça.
Tu t’intéresses à la musique depuis ton enfance ou cela est venu plus tard?
J’ai découvert tout ça sur le tard, à 16-17 ans. Je ne connaissais absolument rien avant. J’ai pris mes premières claques …

C’était quoi?
Les deux premiers trucs, pour beaucoup de gens de ma génération, c’était le premier album de Portishead (ndlr: Dummy) et de Jeff Buckley (ndlr: Grace). Je ne connaissais rien et du coup les dix années qui ont suivi je les ai passé à Paris à découvrir des choses, j’allais voir quatre ou cinq concerts par semaine.

Il y a une chanson ou un groupe qui t’a marqué en live?
Oh il y en a trop! Ce qui me plaisait c’était d’aller vers des musiques plus expérimentales que je n’écoutais pas chez moi. Ce sont des musiques beaucoup plus noise, qui joue sur les sensations physiques.
A une période j’allais pas mal aux Instants Chavirés à Montreuil qui est une salle en sursis dédiée à la musique improvisée et expérimentale. Là bas j’ai fait des expériences de musique uniques, je ne savais pas que la musique pouvait créer ça. Elle m’amenait dans un autre monde, c’était très intense, très intime.
J’ai vu notamment, le guitariste Keiji Haino. Le concert a commencé et j’étais pas du tout dans cet esprit la, je n’avais pas envie d’être violenté. Je me suis dis: “Ok tu connais Keiji Haino, ça va te déchirer, ça va te rentrer dans le corps tout ça, puis au bout de cinq minutes tu va te casse en pensant : Ouais j’ai déjà vu.” Puis finalement je suis resté, ça a duré deux heures et plus. Il y avait sans arrêt une sorte de grande improvisation entre voix et stridence de guitare. A la fin des deux heures j’étais dans un état… Complètement sur une autre planète. C’est une sorte de prise de drogue, c’est vraiment woooow! Ca n’avait rien à voir avec les formats pop qui te rendent chaleureux, là c’était vraiment une autre expérience. Ça m’a beaucoup changé. J’ai des histoires incroyables en live…

Quand tu vas à des concerts tu y vas seul ou …
Ça dépend, j’aime beaucoup y aller seul.

Ou tu y vas avec ta caméra?
J’y vais plus du tout avec une caméra, je refuse absolument de tourner un live. Je dis ça mais à la rentrée je sors deux DVD live avec deux groupes différents (rires).
J’ai eu la chance de pouvoir créer les concerts à emporter, de pouvoir filmer la musique dans d’autres lieux et aussi, que beaucoup de musiciens disent oui à ce projet.
Mais filmer la musique en live, sur scène, je trouve que c’est le pire des gâchis. Dans un rapport au cinéma ça ne donne absolument rien. Même les films les plus réputés comme Stop making sense par exemple, le film sur Talking Heads… Je ne trouve pas ça “chanmé”. Il  n’est pas intéressant dans son rapport à la musique.
Filmer la musique sur scène moi je ne peux pas, quand je suis à un concert je suis obligé d’être disponible. C’est trop intense, je ne peux pas filmer. Faut être là.
Ça me fait rigoler tout ces gens qui prennent des photos. Je ne comprends pas, qu’est ce que tu veux faire de cette photo? C’est quoi? Une sorte de souvenir fade d’une expérience qui est tellement forte en face de toi ? Quelqu’un est là, pourquoi tu utiliserais un outil technologique comme outil relationnel?
Alors, ce que j’espère avec les concerts à emporter c’est essayer d’utiliser la caméra comme un autre instrument, comme un outil relationnel pour le coup et créer un dialogue avec elle. Prendre une photo avec un portable dans un concert ce n’est pas du tout créer un dialogue.
Je ne sais pas si c‘est assez clair, je suis parti très très loin quoi.

Il y a une chanson pour toi qui pourrait faire aimer la musique à des gens qui disent ne pas l’aimer?
(Rires) Il y en a plein! J’arrête ce genre de lubie, je ne fais pas de classement de fin d’année, je ne peux pas ça me rends fou.
En ce moment  je n’arrête pas de montrer cette vidéo de Nikaido Kazumi (voir plus haut) que j’ai tourné à Osaka. Le morceau qu’elle chante me bouleverse. Elle a une voix, une façon de chanter… C’est incroyable, quand elle monte…C’est saisissant.

J’ai fait une interview où on me demandait, “Alors c’est quoi tes vidéos préférées? Ta meilleure relation avec un groupe? Tes meilleurs moments?”
J’ai toujours essayé d’éviter de citer ce que les gens connaissent. Même si c’était génial de filmer REM, je ne les mentionne jamais, je pense que ça ne sert à rien. Sinon, cela conforte les gens dans ce qu’ils savent déjà et c’est ce qu’ils ont envie d’entendre, presque… Ca m’insupporte !
L’autre jour j’ai fait une interview, pendant une heure, avec une fille du Wall Street Journal. Elle m’a bassiné avec REM. A un moment, je lui ai dis : “Ca ne m’intéresse pas de parler d’REM, les gens les connaissent”.
Ce qui m’intéresse c’est plutôt d’avoir ce rôle de passeur. Il m’offre une sorte de porte voix que je vais utiliser pour raconter des choses que les gens ne savent pas.
On peut se laisser facilement avoir, c’est notre façon d’être en tant qu’être humain, on se réconforte dans les choses qu’on connaît. C’est difficile d’avoir cette position et d’accepter de se mettre en danger, même s’il n’y a pas grand danger à rester à l’écoute pour choper de petites choses ici ou là.

J’étais à Copenhague il y a deux mois et c’était génial à tout point de vue. En gros, j’étais venu filmer un groupe d’amis qui s’appelle Slaraffenland. Je leur ai demandé d’organiser une soirée dans une maison ou un appart’ en invitant des amis à eux, des groupes proches ou locaux, d’origine danoise. On s‘est retrouvé avec neuf groupes différents, c’était extraordinaire. Ils étaient tous excellents et notamment un groupe incroyable, Valby vokal gruppe. Une chorale expérimentale de sept filles qui n’ont jamais rien enregistré. C’est que de l’a capella avec des échanges de voix. Il n’y a rien sur internet sauf ma vidéo. J’ai réussi à enregistrer, pour la première fois ce truc là, c’est magique ! On dirait une sorte de réunion de sorcières, c’est vraiment intense, ce sont de très jolies filles en plus, c’est super beau.

Et c’est vraiment une grande chance… Maintenant à chaque fois que je me balade de part le monde, j’essaie de demander à des gens que j’ai en contact de ramener plusieurs groupes.
Du coup je vais faire ca Athènes, j’ai demandé à des gens de m’envoyer des liens vers des groupes de Grèce et il y a des trucs pas mal…

Il y a beaucoup de visites sur ton compte vimeo? Enfin il y a une répercussion?
(Rires) Certaine musique oui et d’autre pas vraiment. L’idée de la répercussion… C’est un joli mot en fait, l’idée d’impact, quel impact tu as aujourd’hui.
Internet te place dans une position très dangereuse vis-à-vis de ça, tu vois très vite le nombre de vues qu’a eu une vidéo. Du coup l’idée de répercussion elle est tout de suite associée à l’idée d’audimat ou de nombre et je trouve cela évidemment faux. Ce n’est pas parce que beaucoup de gens la voient qu’elle aura plus de répercussion.
Je pense que les gens qui vont voir mes vidéos, enfin j’espère en tout cas, le font avec vraiment plus d’attention qu’ils ne verraient quelque chose sur youtube. Les gens qui les voient trouvent des petites choses que j’ai découvert ici ou là. C’est génial quoi!
C’est cette idée la de répercussion, j’espère au moins toucher une personne et changer quelque chose pour elle et pas l’idée d’en toucher beaucoup.


LA MINUTE JUICEBOX

Une chanson à écouter sous la pluie : « Boya » de Kaziki Tomokawa.

Une chanson pour danser: Un morceau de AU.

Une chanson pour un road trip: « Banshee beat de feels » d’Animal Collective

Une chanson que tu as honte d’aimer: Il ne faut pas avoir honte d’aimer, il faut être fière d’aimer.

Une chanson mélancolique: Il y a un morceau extraordinaire, dans le dernier album en date de Rachel’s c’est « Water from the same source », très mélancolique pour le coup.

Une chanson qui te motive: Il y a une chanson qui me rend très combatif, c’est « Triumph of Our Tired Eyes » de Silver Mt. Zion. Elle me fait remonter très vite à la surface et me donne envie d’être énergique.

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Vincent Moon: